Quand la monnaie n’existait pas Mots clés : troc, mine, sicle, darique, unités de poids, pierre de touche
Avant que l’or et l’argent ne servent de moyen d’échange, une des plus anciennes formes de transaction commerciale est le troc de bétail ou de produits alimentaires.
Le mot latin pecunia (argent) dérive de pecus qui signifie bétail. « Ils (les Egyptiens) amenèrent donc leur bétail à Joseph ; et Joseph leur donnait du pain en échange de leurs chevaux. » (Genèse 47:17). Et de Mesha, le roi de Moab, il est dit qu’il « payait au roi d’Israël cent mille agneaux et moutons mâles non tondus » (2 Rois 3 :4). Les produits alimentaires sont également un moyen d’échange. Salomon s’engagea à rémunérer les travailleurs avec d’importantes quantités de blé, d’orge, de vin et d’huile (1R 5:2-6 ; 2 Ch 2:3-10). AA24
Le mot latin pecunia (argent)
dérive de pecus
qui signifie bétail
« Les Egyptiens amenèrent donc leur bétail
à Joseph ; et Joseph leur donnait du pain
en échange de leurs chevaux. »
(Genèse 47:17).
Comme les transactions commerciales exigeaient une pesée, les unités de poids devinrent naturellement aussi des unités monétaires. C’est la phase du troc monétaire qui apparaît très tôt en Mésopotamie. AA25
Cette unité de mesure, qui deviendra aussi une unité monétaire est marquée ‘ une demi-mine ’ (ici 248 grammes) et porte le croissant lunaire, emblème du dieu-lune Sîn, protecteur d’Our. Ce poids en diorite date du début du XXIème siècle avant J-C.
Poids au croissant lunaire AO 22187 Richelieu Salle 2 vitrine 6 (8) La mine est une unité de mesure pondérale (manu) dont le nom est formé à partir de la racine signifiant « compter ». AA26 Elle correspondait à environ ½ kg en Assyrie et en Babylonie.
Les Égyptiens ne connaissent pas les pièces de monnaie. Les transactions se font par rapport à des valeurs de référence (métal, grain) évaluées au poids. L’unité de poids au Moyen Empire est l’anneau (environ 12, 7 g). A partir du Nouvel Empire l’unité est le dében qui pèse environ 100 g.
Sully Rez-de-Chaussée Salle 6 vitrine 6 Poids et mesures

Mais le bétail et les produits alimentaires n’étaient pas toujours des moyens d’échange commodes bien que souvent utilisés comme moyen de transaction. On en vint donc à se servir de métaux, tels que l’or et l’argent. Comme les transactions commerciales exigeaient une pesée, les unités de poids devinrent naturellement aussi des unités monétaires. C’est le cas pour les israélites. On connait cinq divisions principales : le guéra, le demi-sicle, le sicle, la mine, et le talent. AA27
Poids en forme de lion Sb 2718
VIe - IVe siècle avant J.-C. Bronze Sully Rez-de-ch Iran salle 12 a
Poids avec signe de Tanit AO 2042 Ve - IIe siècle avant J.-C. Plomb Sully R-de-ch Levant salle 17 b
Au temps d’Abraham, des métaux précieux tenaient lieu de monnaie, sans doute façonnées en barres ou en anneaux (Genèse 24:22, Josué 7:21). Le terme hébreu courant rendu par monnaie, kèsèph, désigne littéralement de l’argent-métal. (Genèse 17:12, TMN, note). Ces objets en métal étaient souvent pesés au moment du paiement ; ce qui impliquait aussi l’existence d’un système connu et admis par tous. Ainsi « Abraham pesa à Ephrôn le montant en argent dont il avait parlé, en présence des fils de Heth, quatre cents sicles d’argent au cours des marchands. » Genèse 23:16. Après avoir acheté un terrain en Israël, le prophète Jérémie écrit : « Et je me suis mis à peser l’argent : sept sicles et dix pièces d’argent. » Jérémie 32:9
Le terme hébreu pour sicle est shukal, qui signifie peser. Les témoignages archéologiques laissent penser qu’un sicle pesait à peu près 11,4 g. Le sicle fut emprunté aux Cananéens, qui eux-mêmes l’empruntèrent aux Babyloniens. AA28 Les témoignages
archéologiques laissent penser
qu’un sicle pesait
à peu près 11,4 g
Poids inscrits AO 23015-18 Quatre poids inscrits
Age du Fer (1150 - 587 avt J.-C.)
Mont Ophel, Jérusalem
Marbre rose Sully Rez-de-chaussée Levant Salle D vitrine 5
Ces boules de pierre polies sont aplaties à la base. De petites fractions d’un sicle pouvaient ne mesurer qu’un centimètre de diamètre et peser 2 à 3 gr. Pour qu’on les identifie plus facilement, le graveur de sceaux inscrivait leur valeur sur les poids.
Dieu ordonna l’honnêteté et l’exactitude dans l’utilisation des balances (Lv 19:35, 36), car une balance trompeuse était détestable pour lui (Pr 11:1 ; 16:11 ; Éz 45:10). Il arrivait que les Israélites se servent de balances frauduleusement (Ho 12:7 ; Am 8:5) et ils allèrent plus loin dans la tromperie en utilisant des poids inexacts, un jeu pour acheter et un autre pour vendre. - Pr 20:23.
" Deux sortes de poids sont chose détestable pour YHWH, et une balance trompeuse, ce n’est pas bien. "
Proverbes 20 :23
" Quant au marchand, dans sa main sont les balances de la tromperie ; oui, il aime spolier." Osée 12:7
Le peseur d’or et sa femme Inv 1444 Quentin METSYS
Louvain, 1465/1466 - Anvers, 1530 Richelieu 2ème étage Pays-Bas salle 9
Tableau à contenu allégorique et moralisateur (signes de vanité, symboles chrétiens tels que la balance du Jugement dernier, dénonciation de l'avarice et exaltation de l'honnêteté) bien plus que documentaire et descriptif (évocation d'une réalité professionnelle de l'époque : prêteur d'argent, ou de la dévotion du temps : livres d'heures) d'autant que les costumes, curieusement archaïsants semblent renvoyer à une époque plus ancienne. Le miroir est un détail fascinant qui rappelle la virtuosité de Van Eyck.
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Beaucoup pensent que les premières pièces furent frappées vers 700 av. n. è. C’est donc peut-être après être revenu de l’exil à Babylone que les Israélites commencèrent à utiliser les pièces de monnaie dans leur pays. Les livres bibliques postexiliens font référence à la darique perse (1 Chroniques 29:7 ; Ezr 8:27) et aux drachmes (héb. : darkemônim), qui correspondent généralement à la darique (Ezr 2:69 ; Ne 7:70-72). AA29
Darique d’or Fds gén 44 Sully Rez-de-chaussée Salle 12 a vitrine 1
Cette darique qui fut frappée pendant deux siècles à partir de la fin du VIe siècle av. n. è. montre sur le côté face un roi, un genou en terre, tenant de la main droite une lance et de la gauche un arc.
A la même époque que le prophète Jérémie des commerçants innovateurs de Lydie ont découvert un moyen de simplifier les échanges : l’utilisation de pièces de monnaie au poids standard, garanti par un poinçon officiel. Les Lydiens se sont aperçus qu’une variété locale de roche noire permettait de tester la pureté de l’or. Cette utilisation de la pierre lydienne, ou pierre de touche, permettait de contrôler le titre des monnaies, et d’établir ainsi un système monétaire plus fiable.
Ce morceau de schiste alluvial imprime sur la pierre des traces que l’on compare à celles laissées par un objet en or ou en argent au titre connu.
Amphore à figures rougesG 197 Vers 500 avant J.-C Face A : Crésus sur le bucher Sully Galerie Campana IV Salle 43 vitrine 19
Crésus, dernier roi de Lydie, fut battu par le roi perse Cyrus le Grand ; il fit élever un bûcher pour l’y brûler. Reconnaissant la vérité que Solon lui avait dit, il s’écria : « O Solon, Solon ! » Cette parole remarquée par Cyrus lui sauva la vie. Il expliqua au vainqueur que ce philosophe qui lui avait rendu visite dans son palais de Sardes, loin d’être ébloui par tous les trésors de Crésus, s’était contenté de lui dire : « N’appelons personne heureux avant sa mort. »
L’habitude d’éprouver l’or à la pierre de touche s’étant répandu parmi les commerçants, ce mot en est venu à désigner une méthode de mise à l’épreuve. En grec, il s’applique aussi aux tourments des personnes soumises à l’épreuve de la torture. Le mot grec (basanizô) a pour sens premier ‘ essayer les métaux avec la pierre de touche ’. AA30 Cette explication éclaire des textes bibliques intrigants, comme celui de Matthieu 18:34 et Apocalypse 20:10.
« Alors son maître l’a fait venir et lui a dit : ‘esclave méchant, je t’ai remis toute cette dette, quand tu m’en as supplié. Ne devais-tu pas à ton tour avoir pitié de ton coesclave, comme moi-même j’ai eu pitié de toi ? Là-dessus son maître, pris de colère, l’a livré aux geôliers, jusqu’à ce qu’il ait rendu tout ce qu’il devait. » Matthieu 18: 32-34
Selon une encyclopédie biblique, AA31 Il est probable que c’est l’emprisonnement en lui-même qui était considéré comme un ‘ tourment ’ et il ne faut pas voir dans les ‘ tourmenteurs ’ autre chose que des geôliers.
« Et le Diable qui les égarait a été jeté dans le lac de feu et de soufre, où [se trouvaient déjà] et la bête sauvage et le faux prophète ; et ils seront tourmentés jour et nuit à tout jamais. » Révélation 20:10
Ces ‘ tourments ’ éternels de Satan laissent entendre que son jugement servira de pierre de touche, posant ainsi les critères d’une jurisprudence ultérieure.
L'utilisation de la pierre de touche lydienne permet ainsi peut-être de mieux comprendre l’énigme du texte de l’Apocalypse et des paroles du Christ.
Jean Andreau, « De la Grèce à Rome : transmission et évolution des techniques de changeurs-banquiers », Les Cahiers du Centre de Recherches Historiques, 4 | 1989. URL : https://ccrh.revues.org/ Dictionnaire Bailly Abrégé du dictionnaire Grec Français Encyclopédie Etude perspicace des Ecritures ISBE, The International Standard Bible Encyclopedia, tome 3, 1986, Money, ISBE, The International Standard Bible Encyclopedia, tome 4, p 880, Tormentors F. Joannès, La Mésopotamie au 1er siècle av J-C, Armand Colin, 2008 G.W. Knight, The illustrated guide to Bible customs & curiosities, Barbour, 2007 Alan Millard, Des pierres qui parlent, Lumières archéologiques sur les lieux bibliques, Excelsis, 1985 Wikipédia, Crésus, Lydie